On va se poser une question toute bête, presque naïve, mais qui gratte là où ça dérange : pourquoi les prisons françaises ne sont-elles pas toutes équipées de brouilleurs de téléphones ?
À l’heure où les détenus se filment en direct sur Snapchat depuis leur cellule, dealent leur shit par SMS ou commandent des évasions comme on commande une pizza, on pourrait se dire que bloquer ces maudites ondes serait la solution miracle.
Mais non, rien n’est simple dans cet univers de béton et de barreaux.
Alors, creusons un peu ce merdier carcéral, entre corruption, trafics et technologie qui n’en finit pas de nous dépasser.
La grande parade des portables clandestins
Les téléphones portables entrent en prison comme des fourmis dans une cuisine mal fermée. Par les parloirs, où les portiques de sécurité laissent passer ces petits bijoux presque sans métal.
Par les colis balancés au-dessus des murs, souvent avec des drones – coucou la modernité !
À Nantes par exemple, le jour de Noël 2024, près de 200 paquets ont atterri dans la cour du centre pénitentiaire, remplis de drogue, d’armes et, bien sûr, de smartphones.
À Béziers, en 2022, on a saisi 189 téléphones rien que via ces livreurs volants.
Et puis, il y a les projections à l’ancienne : un drap tendu depuis une fenêtre, un complice dehors qui lance le colis, et hop, le tour est joué.
Les détenus s’échangent ensuite ces trésors contre du tabac ou un bout de shit. Bref, un vrai marché noir, fluide et organisé.
Faits divers : quand le portable devient arme
Les exemples récents pullulent.
Prenez Mohamed Amra, alias « La Mouche », ce caïd qui s’est évadé en mai 2024 après l’attaque sanglante d’un fourgon pénitentiaire dans l’Eure.
En cellule à la Santé, il gérait son réseau de stups grâce à neuf téléphones saisis entre janvier et mai 2023.
Depuis sa taule, il aurait même commandité un meurtre à Marseille, tranquillement, entre deux appels.
Ou encore ces vidéos sur TikTok et Instagram : des détenus qui filment leur promenade, leur gamelle, voire des surveillants à leur insu.
À Aix-Luynes, en octobre 2024, un sénateur a exhibé un mini-téléphone retrouvé dans le caleçon d’un prisonnier.
La routine, quoi.
Corruption : le nerf de la guerre
Et puis, il y a les surveillants qui ferment les yeux – ou pire, qui participent.
À Fresnes, fin 2023, trois gardiens ont été chopés pour avoir fait rentrer drogue et téléphones contre du cash.
Un business juteux, dopé par la pression des détenus et l’appât du gain.
Quand un portable peut se monnayer à prix d’or derrière les barreaux, la tentation est grande. Résultat : les portiques clignotent, mais les poches restent pleines.
Les brouilleurs : trop chers, trop chiants
Alors, pourquoi pas des brouilleurs partout ? Parce que c’est un casse-tête.
D’abord, ça coûte une blinde – un million d’euros par appareil, selon certains syndicats.
Ensuite, la technologie galope : les brouilleurs d’hier bloquent la 2G, mais la 5G rigole au nez des vieux systèmes.
À la Santé, malgré des brouilleurs « dernier cri », les détenus postent encore des stories.
Et en ville, comme aux Baumettes à Marseille, ça emmerde les voisins : en 2021, les riverains ont hurlé parce que leur 4G était HS.
Sans parler des prisons elles-mêmes : brouiller les portables des détenus, c’est aussi couper les communications des surveillants ou la vidéosurveillance.
Un bordel ingérable.
Une solution qui ne solutionne rien ?
Le ministère de la Justice a bien tenté des trucs : 19,9 millions d’euros en 2019 pour des brouilleurs 4G/5G, ou des téléphones fixes en cellule pour calmer le jeu.
Mais rien n’y fait. Les détenus veulent leur liberté numérique, et ils l’ont.
Installer des brouilleurs partout ? Trop cher, trop compliqué, et pas assez efficace face à des taulards qui bricolent des routeurs pour capter le signal.
Alors, on continue de saisir – 40 000 téléphones en 2017, encore plus aujourd’hui – pendant que le trafic prospère.
Peut-être qu’un jour, on légalisera les portables encadrés, comme le suggère l’Observatoire international des prisons.
En attendant, la question con reste sans réponse claire. Classique.